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LES ENFANTS TROUVES


LA LOI ET LES INSTITUTIONS

CARACTERE DE L'ABANDON DES ENFANTS

LE DESTIN DES ENFANTS TROUVES


    L'abandon des enfants pose le problème de la famille, qui les accepte ou les refuse, au même titre que la contraception, l'avortement, l'infanticide; il est en étroite relation avec l'illégitimité. Mais à la différence de ces divers cas, il laisse des traces cohérentes dans les archives.
    Le phénomène de l'abandon se présente à toutes les époques et dans tous les milieux; il génère un discours sur la société, suscite des mesures institutionnelles pour l'accueil, l'entretien et, plus tard, pour l'insertion dans le monde des adultes. Pour l'essentiel, l'étude, dans le cadre de cet atelier, est essentiellement orientée vers l'Ancien régime.

    Depuis quelques années, une typologie a été dégagée : les "enfants assistés" (enfants de pauvres élevés, ou non, par les parents avec assistance financière), les "enfants abandonnés" soit directement par la mère à des membres de la famille, à des tiers (matrones, nourrices, prêtres...) après entente verbale, ou à l'institution, soit avec des intermédiaires (une tierce personne remet l'enfant à l'hôpital adéquat), les "enfants exposés" soit sans recherche de la survie (ex : abandon en forêt), soit avec le souci de préserver leur vie (dépôt à la porte d'un presbytère : au "tour" de l'hôpital des enfants trouvés, etc)

 

LA LOI ET LES INSTITUTIONS

    En milieu rural, le seigneur -détenteur de la haute justice- doit donc s'occuper des enfants abandonnés. En ville, des institutions hospitalières et charitables en ont la charge; il en résulte une grande diversité d'un lieu à l'autre. L'esprit post-tridentin et la volonté de développer des mesures de charité aboutissent à l'Oeuvre des enfants trouvés (1638) à Paris, créée par Saint Vincent de Paul et reconnue en 1670 comme un des hôpitaux de Paris. Le XVIII° siècle, surtout après 1760, voit la multiplication des hôpitaux spécialisés : Nancy en 1774, Reims en 1779, etc. Puis les révolutionnaires tentent de trouver la solution du problème posé par les "enfants naturels de la Patrie" et la Convention proclame le droit à l'assistance. Mais, c'est progressivement que s'édifie "l'Assistance publique" : depuis 1811, chaque chef-lieu d'arrondissement doit avoir un hospice avec un "tour". C'est enfin la loi du 27 juin 1904 qui distingue, parmi les enfants assités 1°) Les abandonnés ou orphelins, 2°) ceux que les mères, faute de moyens, ne peuvent élever, 3°) ceux dits "en dépôt" parce que leurs parents sont malades ou détenus. Dans le département de la Seine, on en dénombre en 1900-1904 respectivement 4999.
 

CARACTERE DE L'ABANDON DES ENFANTS

    L'approche du phénomène est perturbé parce que l'abandon ne se fait pas toujours là où habitent les parents, parce que les enfants trouvés sont regroupés et transférés, parce que les parents se sont, ou non, faits connaître.
    L'intensité varie d'une année à l'autre, mais s'il y a un rapport certain avec la conjoncture éconorique longue, matérialisée par les courbes des prix et des productions, la relation est moins évidente pour les mouvements conjoncturels de brève
durée : une crise courte, qui peut être surmontée dans un temps relativement rapide, ne provoque pas -ou très peu- une recrudescence des abandons. Si la crise dure et suscite des abandons, ils concernent surtout les enfants légitimes.
    Presque partout -mais avec des variations régionales- le maximum se place en mars, avril et mai. Dans les périodes anciennes, beaucoup plus de filles que de garçons ; puis par la suite, un peu plus -seulement- de filles. A Nancy,
l'abandon se fait le premier jour pour 24,9% des cas en 1774-1775 et 42,9% en 1787--1788 ; la première semaine respectivement pour 41,2% et 77,1%.
    L'abandon peut résulter de l’illégitimité. A Metz la présence d'une garnison nombreuse provoque 207 cas par an de 1725 à 1742 ; son absence fait chuter le nombre à 93 par an de 1743 à 1762.
    L'aire géographique, drainée par un hôpital des enfants trouvés, est fort variable : celui de Nancy accueille, à la fin de l'Ancien régime, quelques enfants du Luxembourg, de Metz, de Verdun, et de la Franche-Comté.
    L'abandon concerne donc en priorité des enfants illégitimes : en ville, enfants de servantes, conséquence des rapports avec les domestiques, ou des ouvrières. Pour les mères ayant des enfants illégitimes, peu de veuves, très peu de filles mineures, beaucoup de femmes célibataires âgées de 20 à 30 ans. La confrontation des déclarations de grossesse avec les registres des hôpitaux des enfants trouvés est indispensable. Pour les enfants légitimes, on note le grand nombre des mères, très pauvres, surtout des veuves ou délaissées par leurs conjoints; la désorganisation de la famille, la destruction du couple constituent des facteurs favorables ainsi que la surcharge d'enfants au delà d'un seuil subjectif de ce qui est tolérable. A ajouter, le rejet de l'enfant infirme ou malade.

LE DESTIN DES ENFANTS TROUVES

    Dans un premier temps, l'enfant trouvé est soigné et nourri à l'hôpital. A la fin de l'Ancien régime, des nourrices sont attachées sur place a l'établissement, ou bien, l'on recourt au lait animal. En général le jeune enfant est placé auprès de "nourrices mercenaires". Autour des villes, une première zone délimite les lieux d'habitation des nourrices auxquelles recourent les habitants les plus fortunés ; puis, à moyenne distance, la petite bourgeoisie. Enfin, plus loin, sont placés les enfants trouvés. La mortalité y est effrayante beaucoup meurent avant d'avoir atteint le lieu d'accueil : les autres vivent difficilement jusqu'à l'âge du sevrage. L'Hôtel-Dieu de Lyon perd en 1716-1717 61,5% des enfants placés en nourrice dans les premiers jours, 53,2% dans les premiers mois, 58,8% dans les premières années, et 25% après un an. En 1775 le bureau de l'hôpital de Rouen s'étonne que l'hôpital d'Aix perde la moitié de ses enfants trouvés : " Cette perte est peu considérable en comparaison de la nôtre..." et d'ajouter " La principale cause de l'effrayante mortalité, c'est le défaut ou le manque de bonnes nourrices". Les nourrices se chargent de nourrissons pour accumuler les pensions. Dans un village de la région parisiennne, 142 enfants de Paris sont placés en nourrice : aucun ne survit. A Nancy est mis en place un "tarif de dissuasion", qui augmente progressivement de mois en mois la pension aux nourrices jusqu'au moment du sevrage.
    Par la suite, le destin de l'enfant trouvé, qui a survécu, peut se dessiner de manière trés variée : restitution aux parents, adoption, placement en apprentissage, participation aux activités industrielles (ex : travail du textile : dentelles, tricots, filage du coton à l'hôpital Saint Nicolas de Metz au XVIII° siècle, et surtout placement dans les manufactures au XIX°), filles au couvent ou mariées avec dot fournie par ]'hôpital, service militaire pour les garçons. Certains ont participé aux travaux de colonisation (Algérie au XIX° s)
    I1 manque aujourd'hui des études approfondies sur le problème des enfants trouvés entre 1815 et 1914. Des pistes ont été données par des congressistes, comme les dossiers des enfants abandonnés et réclamés par leurs parents en 1853 (cote aux Archives Nationales : F15,3898. Des chercheurs se penchent actuellement sur le discours des élites ou celui des auteurs de romans populaires et de feuilleton avec les thèmes de l'alcoolisme, de la pauvreté, de l'abandon, et des retrouvailles après mille intrigues.

Guy CABOURDIN
 

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